lundi 12 mai 2014

L’impact des nouvelles règles en matière de cumul des candidatures sur la composition des listes électorales à Bruxelles



Régis Dandoy (@rdandoy)
Politologue à la FLACSO. Chercheur associé à l’ULB et l’UCL


Le système électoral qui sera utilisé lors des prochaines élections de mai 2014 est relativement différent de celui utilisé en 2009 (élections régionales, communautaires et européennes) et en 2010 (élections fédérales). Parmi les quelques règles électorales qui ont changé récemment, nous retrouvons bien évidemment la réforme du Sénat et sa nouvelle composition – indirecte - mais également la scission de la circonscription électorale de BHV ou encore la simplification du vote des Belges à l’étranger. Un autre ensemble de règles a été modifié et concerne cette fois les candidatures multiples.

En effet, par rapport aux précédentes élections, le cumul des candidatures a été fortement réduit. Ainsi, pour les élections du 25 mai 2014 à Bruxelles, il est désormais interdit (1) d’être à la fois candidat titulaire et suppléant sur une même liste; (2) d’être à la fois candidat au parlement régional flamand et au parlement régional bruxellois ; (3) d’être à la fois candidat au parlement fédéral et au parlement régional bruxellois ; (4) d’être à la fois candidat au parlement européen et au parlement régional bruxellois. Par définition, il n’est également pas possible d’être à la fois candidat au parlement régional wallon et au parlement régional bruxellois, puisque le/la candidat(e) doit être domicilié sur le territoire de la région pour s’y présenter.

Ces nouvelles règles ne sont pas sans conséquence pour la composition des listes pour les élections régionales à Bruxelles. Car, pour certains partis, il est difficile de trouver un grand nombre de candidats pour remplir les listes électorales, surtout lorsque plusieurs élections se produisent le même jour. C’est encore plus difficile à Bruxelles pour le groupe linguistique français où les listes électorales peuvent comporter jusqu’à 72 candidats effectifs et 16 candidats suppléants. Pour faire face à ce déficit de candidats, les partis ont inscrit le/la même candidat(e) sur une même liste (comme candidat effectif et suppléant) et/ou sur deux listes pour deux scrutins différents. Cette candidature multiple a permis à certains de ces partis de présenter des listes (presque) complètes (voir Note 1).

Mais tout cela est désormais interdit pour les élections de mai 2014. Ces nouvelles règles en matière de cumul des candidatures ont potentiellement deux conséquences. Tout d’abord, nous devrions observer moins de listes complètes lors des élections régionales bruxelloises (surtout du côté francophone). Ensuite, les partis devraient présenter des listes comprenant moins de candidats pour ces mêmes élections. Ces deux hypothèses seront vérifiées en comparant le nombre de candidats effectifs et suppléants par liste pour les élections régionales à Bruxelles en 2004, 2009 et 2014 (voir Note 2).


Combien de listes complètes en 2014 à Bruxelles ?

Parmi les listes se présentant dans le groupe linguistique français en 2004, seules six listes sur 14 étaient complètes (PS, MR, cdH, Ecolo, FN et CDF), c’est-à-dire qu’elles comprenaient 72 candidats effectifs et 16 candidats suppléants (voir Tableau 1). En 2009, ce sont également six listes qui se présentent de manière complète à l’électeur bruxellois : PS, MR, cdH, Ecolo, PTB+ et ProBruxsel. Qui plus est, deux autres listes étaient proches du nombre maximal de candidats, à savoir la liste PC-PSL-LCR-PH (71 candidats) et, dans une moindre mesure, la liste FDB (66 candidats). En 2014, pas moins de 7 listes sur 21 sont complètes : PS, MR, cdH, Ecolo, FDF, PTB-PVDA-Go! et ProBruxsel.

Du côté du groupe linguistique néerlandais, nous observions pas moins de cinq listes complètes en 2004, neuf listes complètes en 2009 et six listes complètes en 2014. Les listes incomplètes en 2004 étaient VDB, BUB, et FIRE, en 2009 SLP et BUB et en 2014 ProBruxsel N et Pensio(e)n Plus. Au final, les nouvelles règles en matière de décumul des candidatures ne semblent pas avoir d’impact sur le nombre de listes complètes qui se présentent à l’électeur. Voyons maintenant si la même conclusion peut être tirée de l’analyse du nombre de candidats par liste.

Tableau 1. Nombre de listes complètes

2004
2009
2014
Groupe linguistique français
6 (sur 14)
6 (sur 21)
7 (sur 21)
Groupe linguistique néerlandais
5 (sur 8)
9 (sur 11)
6 (sur 8)


Combien de candidats en 2014 à Bruxelles ?

La seconde hypothèse que nous souhaitons tester dans ce billet est celle de l’impact des nouvelles règles en matière de décumul des candidatures sur le nombre de candidats présentés sur une liste électorale. Nous avons vu plus haut que ces règles n’avaient pas de conséquences sur le nombre de liste complète, mais qu’en est-il du nombre de candidats effectifs et suppléants par liste ?

L’analyse du nombre moyen de candidats sur des listes francophones pour les élections régionales à Bruxelles nous démontre que ces nouvelles règles ont un impact considérable sur le nombre de candidats que les partis présentent à l’électeur (voir Tableau 2). D’un nombre moyen de 62,29 candidats par liste en 2004, nous sommes passés à 44,81 candidats en 2014, c’est-à-dire pratiquement 20 candidats par liste en moins que 10 ans plus tôt. Et cette tendance s’observe aussi bien au niveau des candidats effectifs qu’au niveau des candidats suppléants : 33 candidats effectifs par liste en 2014 (contre 46,86 en 2004) et 11,81 candidats suppléants par liste en 2014 (contre 15,43 en 2004).

Mais les nouvelles règles en matière de décumul des candidatures ne semblent pas avoir d’impact sur les partis se présentant dans le groupe linguistique néerlandais (voir Tableau 3). Le nombre moyen de candidats par liste est même en légère progression par rapport à 2009 et 2004. Cela s’explique vraisemblablement par le nombre inférieur de places maximales sur les listes néerlandophones (17), comparé à celui du nombre de places maximales sur les listes francophones (72). Plus il y a de places sur la liste, plus il est difficile de trouver des candidats pour toutes les remplir. Et ce, d’autant plus qu’il est désormais interdit de cumuler les candidatures sur une même liste ou sur des listes pour des scrutins différents…

Tableau 2. Nombre de candidats – Groupe linguistique français

2004
2009
2014

Total
Par liste
Total
Par liste
Total
Par liste
Titulaires
656
46,86
771
36,71
693
33,0
Suppléants
216
15,43
285
13,57
248
11,81
Total
872
62,29
1056
50,29
941
44,81

Tableau 3. Nombre de candidats - Groupe linguistique néerlandais

2004
2009
2014

Total
Par liste
Total
Par liste
Total
Par liste
Titulaires
108
13,50
164
14,91
120
15,0
Suppléants
103
12,88
155
14,09
114
14,25
Total
211
26,38
319
29
234
29,25


Notes

1. Par exemple, en 2009, certains candidats avaient quatre fois leur nom sur les bulletins électoraux à Bruxelles: (1) candidat effectif pour le parlement régional bruxellois (groupe linguistique néerlandais), (2) candidat suppléant pour le parlement régional bruxellois (groupe linguistique néerlandais), (3) candidat effectif pour le parlement flamand (membres bruxellois néerlandophones) et (4) candidat suppléant pour le parlement flamand (membres bruxellois néerlandophones).

2. Pour rappel, il n’est pas possible de comparer les élections de 2014 avec celles organisées avant 2004 puisque le nombre de sièges à élire (et par conséquent le nombre de candidats) était de 75 pour les trois premières élections du parlement bruxellois (1989, 1995 et 1999). Depuis 2004, le nombre de députés régionaux bruxellois est de 89 (72 dans le groupe linguistique français et 17 dans le groupe linguistique néerlandais).