vendredi 23 mai 2014

Les programmes électoraux bruxellois des partis flamands


Régis Dandoy (@rdandoy)
Politologue à la FLACSO. Chercheur associé à l’ULB et l’UCL

Grégory Piet (@grgpiet)
Politologue à Université de Liège


Dans le cadre de la série de billets sur le contenu des programmes électoraux des partis francophones à Bruxelles lors des élections régionales de 2014 (voir les précédents billets sur le PS, le MR, le cdH, Ecolo, les FDF, le PTB-go! et ProBruxsel), nous analysons aujourd’hui les programmes bruxellois des partis flamands. Les enjeux de la campagne électorale de ces partis sont identifiés grâce à une méthode d’analyse de texte basée sur des mots-clés (voir Note méthodologique). Ces thématiques sont regroupées en huit grands enjeux de la campagne régionale bruxelloise tels que répertoriés par Jean-Paul Nassaux (CRISP, 2014) et auxquels nous ajouterons les questions relatives aux institutions et à l’administration (incluant les questions communautaires).

Pour les élections simultanées de mai 2014, les partis flamands ont mis en œuvre différentes stratégies en ce qui concerne leur plate-forme programmatique. Certains, comme le sp.a, Groen et le Vlaams Belang, ont fait le choix de rédiger un seul programme commun pour toutes les élections (européennes, fédérales et régionales flamandes) en plus de leur programme bruxellois. D’autres, comme le CD&V et l’Open VLD, ont rédigé un programme commun, mais avec deux programmes séparés pour les élections européennes et pour les élections à Bruxelles. Enfin, la N-VA a fait le choix – délibéré – de ne pas rédiger de programme bruxellois et ne sera donc pas analysée ici. Par ailleurs, le lecteur intéressé par l’analyse des programmes communs des partis flamands à l’aide de la même méthodologie pourra la trouver ici

En comparaison, les programmes du sp.a et du Vlaams Belang pour Bruxelles consistent tous deux en un document de 76 pages, suivis par le CD&V (52 pages), l’Open VLD (41 pages) et enfin Groen (7 pages). Le document utilisé pour l'analyse du Vlaams Belang est le texte issu du congrès national "Brussel. morgen onze stad" tenu par le parti en décembre 2013. Sur base de notre encodage automatisé (voir Note méthodologique), le nombre de mots-clés identifiés, analysés et classés dans le programme varie fortement en fonction des partis et surtout de la taille du programme : 3.190 mots-clés pour le sp.a, 2.140 mots-clés pour le Vlaams Belang, 1.558 mots-clés pour le CD&V, 1.446 mots-clés pour l’Open VLD et seulement 178 mots-clés pour Groen. Le lecteur doit ainsi garder à l’esprit que le programme bruxellois de Groen est trop court pour pouvoir en dégager des résultats valables au niveau statistique.

Les huit enjeux de la campagne bruxelloise identifiés par J-P Nassaux représentent une importante portion du contenu des programmes bruxellois de ces partis en 2014 : de 35,76% dans le cas du CD&V à 46,54% dans celui de l’Open VLD. A l’inverse, les thématiques relatives au domaine socio-économique ne représentent au maximum qu’un quart de ces programmes: 15,23% pour le Vlaams Belang, 18,49% pour le CD&V, 22,96% pour l’Open VLD, 25,89% pour le sp.a et 27,53% pour Groen. Ainsi, les partis flamands semblent mettre en avant les enjeux bruxellois au détriment des questions purement socio-économiques. 

Le podium des priorités des partis flamands pour les élections régionales à Bruxelles oppose deux groupes de partis (voir Tableau 1). D’un côté, nous retrouvons les trois partis traditionnels (CD&V, Open VLD et sp.a) qui mettent en avant pratiquement les mêmes thématiques. Sur la première marche du podium, nous retrouvons le logement et la politique locale dans les programmes de l’Open VLD (12,86%), du sp.a (11,66%) et du CD&V (8,47%). Cette priorité est, par contre, totalement absente du podium de Groen et du Vlaams Belang. En deuxième position, nous retrouvons chez les partis traditionnels la mobilité (8,15% au sp.a et 5,91% au CD&V) et l’emploi (7,19% chez l’Open VLD). L’emploi est la troisième priorité du sp.a, la mobilité celle de l’Open VLD et l’enseignement est sur la dernière marche du podium au CD&V. 

A l’inverse, Groen et le Vlaams Belang ne mettent pas l’accent sur les mêmes enjeux. Pour Groen, la priorité est l’enseignement (11,80%), suivi par la mobilité (8,99%) et les finances et l’économie (7,87%). Pour le parti d’extrême-droite, les priorités sont, dans l’ordre, le statut international de Bruxelles (7,85%), l’immigration (5,75%) et l’enseignement (5,65%). La mobilité et l’emploi sont beaucoup moins prioritaires dans le programme électoral de ce parti (respectivement 2,52% et 2,8%). L’immigration est ainsi identifiée comme l’enjeu propre au Vlaams Belang ainsi que, dans une moindre mesure, les questions institutionnelles et administratives. A l’inverse, la sécurité et de la criminalité est peu mise en avant par les partis flamands, mis à part dans le programme de Groen où elle est presque totalement absente. Le parti écologiste flamand se démarque également de tous les autres partis en mettant un accent fort sur l’enseignement (et dans une moindre mesure, sur les finances et l’économie).

En ce qui concerne les autres enjeux présents dans les programmes flamands à Bruxelles (non repris dans le Tableau), les affaires sociales sont significativement mises en avant, principalement chez les partis de gauche. C’est ainsi une priorité pour Groen (12,36%) et pour le sp.a (11,72%). Les autres partis y consacrent entre 4,43% (Open VLD) et 6,1% (CD&V). Groen se distingue également par sa mise en avant des enjeux environnementaux (5,06%) et énergétiques (3,37%). Ces deux catégories sont globalement absentes des priorités des autres partis. Par exemple, le Vlaams Belang n’y consacre respectivement que 0,09% et 0,05% du contenu de son programme. La thématique des entreprises et du commerce est également présente dans la plupart des programmes électoraux flamands, surtout dans ceux de l’Open VLD (4,91%) et du sp.a  (4,04%), ainsi que celle de la culture, qui est particulièrement mise en avant par le sp.a (9,15%) et le CD&V (6,87%). Enfin, à côté de thématiques telles que l’agriculture, la défense ou la recherche scientifique, qui sont presque totalement absentes des programmes électoraux, la santé reste une priorité secondaire pour les partis flamands puisqu’ils n'y consacrent en moyenne que 2% d’attention.

Tableau 1. Priorités programmatiques des partis flamands à Bruxelles (en %)

CD&V
Open VLD
sp.a
Groen
Vlaams Belang
Emploi
4,30
7,19
5,89
5,06
2,80
Logement et politique locale
8,47
12,86
11,66
5,06
5,56
Mobilité
5,91
6,92
8,15
8,99
2,52
Sécurité et criminalité
2,70
1,94
1,82
0,56
2,76
Bruxelles international
3,47
5,46
2,26
3,37
7,85
Immigration
0,83
0,41
0,60
0,00
5,75
Finances et économie
4,75
5,81
3,95
7,87
5,01
Enseignement
5,33
5,95
5,52
11,80
5,65
Sous-Total
35,76
46,54
39,85
42,71
37,9






Institutions et administration
38,13
32,50
25,55
23,60
44,11


Note méthodologique

Cette analyse des programmes électoraux repose sur un logiciel d’analyse de textes, de discours et d’arguments, nommé Prospéro (Chateauraynaud, 2003 ; voir, par exemple, le carnet de recherche du GSPR, développeur de Prospéro http://socioargu.hypotheses.org/ ainsi que le site dédié au logiciel Prospéro http://prosperologie.org/). La méthode consiste en la création de 21 répertoires thématiques reprenant l’ensemble des enjeux et politiques publiques identifiables au sein des programmes, sur base du travail préalablement effectué par Baumgartner et Jones (http://www.policyagendas.org/page/topic-codebook). Ces 21 répertoires sont constitués de 16.582 mots et expressions permettant d’identifier et de coder automatiquement les parties d’un texte liées à l’emploi, au logement, à la mobilité, à l’économie, à la politique étrangère, etc. Cet encodage automatique permet ainsi de mesurer les préférences et les priorités des partis politiques au sein de leur programme électoral. Pour une analyse en profondeur d’un enjeu politique et une explication détaillée de la manière de constituer les répertoires de mots et d’expressions, voir Piet (2013).

Pour aller plus loin

Nassaux Jean-Paul, “Les enjeux des élections de 2014 pour Bruxelles », Les @nalyses du CRISP en ligne, janvier 2014. Lien

Piet Grégory, « La politique climatique en Belgique », Carnet de Recherche Socio-informatique et argumentation, avril 2013. Lien