Politologue à l’UCL
Ce billet se penche sur
les conséquences de l’extension de vote des Belges à l’étranger pour les
élections régionales. Après un premier billet sur le panorama des partis qui
gagnent et perdent des voix lorsque les Belges à l’étranger sont autorisés à
voter (voir ici),
ce billet analyse les conséquences du vote des Belges à l’étranger en ce qui
concerne les résultats au niveau des assemblées régionales et de la répartition
des sièges au sein de celles-ci. Les résultats pour les élections fédérales et
régionales de 2014 en région bruxelloise seront pris comme cas d’étude, étant
donné l’importance de cette région pour le système politique belge et la présence
conjointe de partis flamands et francophones.
Lors des élections
simultanées du 25 mai 2014, les Belges résidant à l’étranger avaient droit à un
seul vote (pour les élections fédérales) alors que les Belges résidant à
Bruxelles disposaient de trois ou quatre votes (pour les élections fédérales,
régionales bruxelloises et Européennes, ainsi que les élections régionales
flamandes pour les électeurs flamands). Imaginons un instant que les Belges
résidant à l’étranger aient obtenu le droit de vote lors des élections
régionales pour la région de Bruxelles-Capitale en 2014. Cette simulation pour
2014 sur base des résultats aux élections fédérales va nous permettre d’évaluer
les conséquences possibles de l’extension vote des Belges à l’étranger pour les
élections régionales telle que souhaitée par le gouvernement fédéral dans son
avant-projet de loi spéciale (voir ici).
En 2014, pas moins de 462.061 votes
valables ont été exprimés dans les 19 communes bruxelloises pour les élections
fédérales, contre 462.696
votes valables exprimés pour les élections régionales bruxelloises dans les
mêmes communes. Les résultats de ces deux élections peuvent donc être valablement
comparés. La question à se poser est celle de l’impact potentiel des Belges résidant à
l’étranger sur les élections régionales
bruxelloises. Les quelques 13.630 votes
valables émis dans un poste diplomatique ou consulaire ou par correspondance
auraient-ils pu avoir un impact sur les rapports de force entre partis et sur
la répartition des sièges au sein du parlement régional bruxellois en
2014 ? Les votes des Belges résidant à l’étranger tels qu’exprimés lors des élections
fédérales pour la circonscription de Bruxelles seront donc additionnés aux
votes comptabilisés pour les Belges vivant à Bruxelles lors des élections
régionales.
L’exercice est
néanmoins délicat pour deux raisons. Tout d’abord, l’offre en termes de partis
n’est pas identique entre les deux élections. Si cette remarque ne concerne
aucun grand parti à l’exception de Groen (en alliance avec Ecolo pour les
fédérales et seul pour les régionales – pour le calcul de son score auprès des Belges résidant à l’étranger, voir la note
méthodologique ci-dessous), certains petits partis ont préféré présenter une
liste aux régionales plutôt qu’aux fédérales (par exemple Vega, ProBruxsel ou
encore Pirate). Seuls trois petits partis MG, Agora Erasmus et LaLutte-DeStrijd) ont présenté une liste aux
fédérales sans son pendant aux régionales. Ensuite, les électeurs bruxellois
ont émis un vote sensiblement différent entre les élections fédérales et
régionales. Certains partis (comme le PS et le MR) obtiennent plus de votes
lors des élections fédérales, tandis que d’autres (comme le FDF et le cdH)
obtiennent plus de votes lors des élections régionales. Cette simulation ne
prend donc pas en compte les éventuels votes différenciés chez les Belges résidant à
l’étranger.
L’effet de l’extension du droit de
vote des Belges résidant à l’étranger pour les élections régionales
bruxelloises est au demeurant relativement faible (voir Tableau 1 et 2). La
hiérarchie observée lors de ces élections s’en trouve respectée, aussi bien du
côté francophone que du côté flamand. Le PS et l’Open Vld sont les partis les
plus plébiscités, suivis respectivement par le MR et le FDF (actuellement DéFI) et par le sp.a et
Groen. Comme analysé dans un billet précédent (voir ici), les principaux partis ‘gagnants’ du vote
des Belges résidant à l’étranger sont les partis libéraux (MR et Open Vld), les
partis écologistes (Ecolo et Groen) et le Vlaams Belang. Les partis qui ont le
plus à perdre d’une extension du droit de vote des Belges résidant à l’étranger
pour les élections du parlement régional bruxellois sont les partis socialistes
(PS et sp.a), le cdH et le PTB. Ce vote n’a enfin que peu d’influence sur le
score du CD&V et de la N-VA.
Tableau 1.
Simulation des résultats électoraux pour les élections régionales bruxelloises
(partis francophones, 2014)
Partis
|
Résultats à Bruxelles
|
Sièges
|
Résultats à Bruxelles
+ Simulation Etranger
|
Différence
|
Sièges
|
PS
|
26,59%
|
21
|
26,52%
|
-0,07%
|
21
|
MR
|
23,04%
|
18
|
23,41%
|
0,38%
|
19
|
FDF
|
14,80%
|
12
|
14,65%
|
-0,15%
|
11
|
cdH
|
11,74%
|
9
|
11,60%
|
-0,14%
|
9
|
Ecolo
|
10,11%
|
8
|
10,24%
|
0,13%
|
8
|
PTB
|
3,86%
|
4
|
3,79%
|
-0,07%
|
4
|
Tableau 2.
Simulation des résultats électoraux pour les élections régionales bruxelloises
(partis flamands, 2014)
Partis
|
Résultats à Bruxelles
|
Sièges
|
Résultats à Bruxelles
+ Simulation Etranger
|
Différence
|
Sièges
|
Open
Vld
|
26,70%
|
5
|
26,88%
|
0,18%
|
5
|
sp.a
|
19,57%
|
3
|
19,16%
|
-0,41%
|
3
|
Groen
|
17,89%
|
3
|
18,02%
|
0,13%
|
3
|
N-VA
|
17,00%
|
3
|
17,04%
|
0,04%
|
3
|
CD&V
|
11,43%
|
2
|
11,42%
|
-0,01%
|
2
|
VB
|
5,60%
|
1
|
5,73%
|
0,13%
|
1
|
Source : Résultats
électoraux officiels, SPF Intérieur http://elections2014.belgium.be/fr/
Si la hiérarchie
entre les partis en région bruxelloise n’est pas chamboulée par un hypothétique
vote des
Belges résidant à l’étranger, il n’en est pas de même en ce qui concerne la
répartition des sièges entre partis. Selon cette simulation, le vote des Belges
résidant à l’étranger ne changerait pas grand du côté flamand, la répartition
des sièges entre partis restant inchangée. Du côté francophone, les choses sont
différentes puisque ces votes provenant de l’étranger profiteraient au MR au
détriment du FDF (actuellement DéFI). Le parti libéral francophone obtiendrait un siège
supplémentaire au sein du parlement régional bruxellois (19 dans cette
simulation contre 18 lors des élections de 2014), tandis que le parti
régionaliste francophone perdrait un siège (11 contre 12).
En conclusion, si le vote
des Belges résidant à l’étranger ne se limite qu’à 13.630 votes
valables sur près d’un demi-million d’électeurs bruxellois, les effets d’une l’extension du vote des
Belges à l’étranger pour les élections régionales affecterait non seulement la
popularité de ces partis politiques (certains partis bénéficieraient de ce vote
tandis que d’autres verraient leur poids relatif se réduire) mais également la
répartition des sièges dans certaines assemblées régionales. Un changement
marginal du nombre et de la qualité des électeurs peut potentiellement avoir un
impact sur la répartition des sièges, particulièrement dans les
circonscriptions où – comme en région bruxelloise – un grand nombre de sièges
est à répartir. Remarquons néanmoins que cette nouvelle répartition
des sièges n’affecterait pas la composition du gouvernement régional bruxellois
puisque la coalition PS-DéFI-cdH obtiendrait toujours plus que la moitié des
sièges du côté francophone (41 sièges sur un total de 72 selon cette
simulation).
Pour citer ce
billet : Dandoy Régis, « Vote des Belges à l’étranger :
simulation des résultats pour les élections régionales bruxelloises »,
Blog - Elections, made in Brussels, 30 aout 2016.
URL : http://electionsbxl.blogspot.be/2016/08/vote-des-belges-letranger-simulation.html
URL : http://electionsbxl.blogspot.be/2016/08/vote-des-belges-letranger-simulation.html
Note méthodologique
Les votes pour
Ecolo et Groen chez les Belges résidant à l’étranger ont été calculé comme
suit : les 2135 voix obtenus par la liste Ecolo (sur laquelle se
présentaient des candidats Groen) lors des élections fédérales dans la
circonscription de Bruxelles ont été répartis de manière proportionnelle aux
votes obtenus par ces deux partis lors des élections régionales bruxelloises.
Par conséquent, Ecolo se voit attribuer 1734 voix provenant de Belges résidant à
l’étranger tandis que son parti-frère flamand reçoit 401 voix.
Pour rappel, la
répartition des sièges s’effectue entre l’ensemble des groupements de listes de
candidats, ce qui implique que la prise en compte d’un groupement de listes
reprenant le PTB, Pirate, ProBruxsel, Rassemblement R et BUB. Les 4 sièges
obtenus par ce groupement de listes sont tous alloués à la liste PTB. Les
quatre autres listes ne s’étant pas présentées aux élections fédérales (circonscription
de Bruxelles), cette simulation ne leur attribue aucun vote additionnel
provenant des Belges résidant à l’étranger.