jeudi 6 mars 2014

Les priorités des partis flamands en 2009 à Bruxelles


Régis Dandoy (@rdandoy)
Politologue à la FLACSO. Chercheur associé à l’ULB et l’UCL

Grégory Piet (@grgpiet)
Politologue à Université de Liège



Dans ce second billet sur les programmes électoraux de 2009, nous analyserons les enjeux mis en avant par les principaux partis politiques flamands dans leurs programmes au cours de la campagne pour les élections régionales bruxelloises de 2009. Les programmes électoraux des partis traditionnels francophones ont été analysés dans un précédent billet (Lien). Les enjeux de la campagne électorale sont identifiés grâce à une méthode d’analyse de textes basée sur des mots-clés (voir la Note méthodologique ci-dessous). Les différentes thématiques abordées dans les programmes électoraux sont regroupées en huit grands enjeux de la campagne régionale bruxelloise tels que répertoriés par Jean-Paul Nassaux (CRISP, 2014) et auxquels nous ajouterons les questions relatives aux institutions et à l’administration (incluant les questions communautaires). 


Les thématiques mises en avant dans les programmes

Les élections régionales bruxelloises de 2009 ont amené les rapports de force suivants : Open VLD (4 sièges), sp.a (4 sièges), Vlaams Belang (3 sièges), CD&V (3 sièges), Groen! (2 sièges) et N-VA (1 siège). L’ordre dans lequel ces partis seront présentés dans les tableaux et billets suivants se fera suivant leur poids électoral. Le parti d’extrême-droite Vlaams Belang, n’ayant pas rédigé de programme spécifique pour la région bruxelloise, n’a pas été inclus dans nos analyses. L’analyse du programme électoral de la N-VA sera intégrée à l’analyse des programmes des partis régionalistes dans un prochain billet. 

L’analyse des programmes bruxellois des quatre partis traditionnels flamands démontre une relative similarité entre ces partis en ce qui concerne le contenu de leurs programmes électoraux. Parmi les huit enjeux de la campagne, le podium est dominé par le logement et la politique locale (9,81% en moyenne), l’enseignement (7,47%) et la mobilité (6,21%). Mais des différences sont toutefois à observer entre partis au sein de ce top 3. La première priorité dans les programmes du sp.a, du Cd&V et de Groen! est le logement et la politique locale (respectivement 12,18%, 9,36% et 10,66%), tandis qu’il s’agit de l’enseignement à l’Open VLD. En deuxième et troisième place viennent l’enseignement et la mobilité au sp.a et au CD&V, alors que ces mêmes priorités sont inversées dans le cas de Groen!. A l’inverse des autres partis flamands, la mobilité est moins importante dans le programme de l’Open VLD, au profit de la place de Bruxelles sur la scène internationale. 

Les autres enjeux de la campagne sont peu mis en avant dans les programmes électoraux et peu de différences peuvent être observées entre partis. Ainsi les quatre partis flamands accordent la même importance à l’emploi (3,18% en moyenne) et à la sécurité (2,54%). L’immigration n’est une priorité pour aucune de ces formations politiques flamandes. A l’inverse, quelques différences peuvent être observées en matière de finances et d’économie, thématique qui se retrouve plus souvent dans les programmes du sp.a et de Groen! que dans ceux du CD&V et, dans une moindre mesure, de l’Open VLD. Enfin, chaque parti flamand met l’accent dans son programme électoral sur les questions institutionnelles et liées à l’administration, bien que cette thématique soit sensiblement plus mise en avant par l’Open VLD (40,48%) et le CD&V (38,77%). 

Priorités programmatiques des partis flamands en 2009 à Bruxelles (en %)


Open VLD
sp.a
CD&V
Groen!
Moyenne
Emploi
3,14
3,77
2,63
3,16
3,18
Logement et politique locale
7,02
12,19
9,36
10,66
9,81
Mobilité
4,31
6,35
6,26
7,92
6,21
Sécurité
2,29
2,21
2,28
3,39
2,54
Bruxelles international
5,16
1,29
4,39
1,79
3,16
Immigration
0,85
1,24
0,70
1,79
1,15
Finances et économie
3,83
4,60
2,57
5,06
4,02
Enseignement
7,23
6,58
8,42
7,68
7,48

Sub-Total

33,83

38,23

36,61

41,45

37,53






Institution & administration
40,48
27,64
38,77
23,41
32,58

Parmi les autres thématiques présentes dans les programmes électoraux de partis, signalons l’importance des affaires sociales (6,49% en moyenne), de la culture (6,20% en moyenne), de l’agriculture (3,79% en moyenne) et des entreprises et du commerce (3,76%). Chacune de ces quatre thématiques est mise en avant par un – voire deux – parti flamand. Groen! et sp.a mettent l’accent sur les affaires sociales (respectivement 8,76% et 8,46%) à l’inverse de l’Open VLD (3,35%). Le sp.a alloue une part importante de son programme à la culture (7,91%) tandis que l’agriculture est une priorité pour Groen! (4,88%). Ce même parti met sensiblement plus en avant les questions environnementales que les trois autres partis flamands. Enfin, la question des entreprises et du commerce trouve plus d’échos dans les programmes du sp.a et de l’Open VLD (respectivement 4,60% et 4,52%). 


Programmes électoraux et formation du gouvernement

Nous avons vu dans un billet précédent (Lien) que les coalitions en place au niveau du gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale ne respectent pas la règle de symétrie, à savoir associer les partis frères flamands et francophones au sein de l’exécutif. Le gouvernement bruxellois formé en juillet 2009 associe ainsi PS, Ecolo et cdH, côté francophone et Open VLD, CD&V et Groen!, côté flamand. Une des hypothèses pouvant expliquer cette coalition asymétrique est que la proximité idéologique entre ces six partis était plus importante qu’avec d’autres partenaires potentiels, comme le MR ou le sp.a. 

Cette proximité idéologique de ces programmes est mesurée à l’aide du calcul des corrélations entre les 21 catégories thématiques encodées. Du côté francophone, la formule PS, Ecolo et cdH présente une corrélation relativement modeste (.79 en moyenne) alors que, du côté flamand, la formule Open VLD, CD&V et Groen! s’élève à .94. Le positionnement des trois partis flamands est ainsi idéologiquement plus homogène que celui des trois partis francophones. Si l’on calcule l’homogénéité de la coalition sexpartite, celle-ci atteint un score respectable de .86. 

Mais la question est de savoir si cette formule est la plus homogène lorsqu’on la compare aux deux formules de coalition alternatives, se basant toutes deux sur une coalition symétrique. La proximité idéologique de la coalition MR-Ecolo-cdH-OpenVLD-CD&V-Groen! atteint une corrélation de .86 de même que que la coalition PS-Ecolo-cdH-sp.a-CD&V-Groen! qui atteint .87. Au demeurant, nous observons ainsi que – lorsqu’elle allie six partis à Bruxelles – la proximité idéologique au sein d’une coalition demeure relativement stable, quelle que soit la formule choisie. En d’autres mots, une coalition non-symétrique ne mène pas à un gouvernement idéologique moins homogène. Les explications de la formation du gouvernement bruxellois sont ainsi probablement plus à trouver au niveau des stratégies partisanes et des rapports entre les leaders des différents partis qu’au niveau des proximités idéologiques, voire au niveau des orientations des solutions politiques proposées par les partis. 


Note méthodologique

Cette analyse des programmes électoraux repose sur un logiciel d’analyse de textes, de discours et d’arguments, nommé Prospéro (Chateauraynaud, 2003 ; voir, par exemple, le carnet de recherche du GSPR, développeur de Prospéro Lien ainsi que le site dédié au logiciel Prospéro Lien). La méthode consiste en la création de 21 répertoires thématiques reprenant l’ensemble des enjeux et politiques publiques identifiables au sein des programmes, sur base du travail préalablement effectué par Baumgartner et Jones (Lien). Ces 21 répertoires sont constitués de quelques 10.000 mots et expressions permettant d’identifier et de coder automatiquement les parties d’un texte liées à l’emploi, au logement, à la mobilité, à l’économie, à la politique étrangère, etc. Cet encodage automatique permet ainsi de mesurer les préférences et les priorités des partis politiques au sein de leur programme électoral. Pour une analyse en profondeur d’un enjeu politique et une explication détaillée de la manière de constituer les répertoires de mots et d’expression, voir Piet (2013). 


Pour aller plus loin

Chateauraynayd Francis, Prospéro. Une technologie littéraire pour les sciences humaines, Paris, CNRS Editions, 2003.

Dandoy Régis, “Résultats des élections et formation des exécutifs”, in Bouhon Frédéric, Reuchamps Min (dir.), Les systèmes électoraux de la Belgique, Bruylant, Bruxelles, 2012, pp. 439-458. Lien

Nassaux Jean-Paul, “Les enjeux des élections de 2014 pour Bruxelles », Les @nalyses du CRISP en ligne, janvier 2014. Lien

Piet Grégory, « La politique climatique en Belgique », Carnet de Recherche Socio-informatique et argumentation, avril 2013. Lien