Politologue à l’UCL. Chargé
de cours invité à l’ULB et à la FLACSO
Il y a quelques jours, la Commission Européenne a
publié les résultats d’une enquête portant sur l’opinion publique dans les
régions en Europe. Dans chaque région d’Europe, un échantillon de 300 personnes
a répondu à quelques questions sur la perception qu’elles ont de l’état de leur
région ou encore sur leur confiance dans Union Européenne. Cette enquête (Eurobaromètre
427) de la DG Communication de la Commission Européenne a été réalisée par
téléphone du 3 au 23 septembre 2015. Pour plus de détails techniques sur ce
sondage, voir ici.
Dans ce deuxième billet traitant des résultats de
cette enquête, nous analysons l’état de l’opinion publique bruxelloise en ce
qui concerne les principaux problèmes auxquels elle est confrontée, et nous comparons
les perceptions des Bruxellois avec celles des populations dans les régions
flamande et wallonne.
Sans
surprise, un top 3 composé du chômage, de l’enseignement et de l’immigration
La question principale de l’enquête porte sur la
perception des problèmes au niveau régional. Plus précisément, son intitulé
est : « Selon vous, quelles sont les deux principaux problèmes
auxquels votre région est confrontée actuellement ? » et une série de
réponses était suggérées aux répondants. Les résultats obtenus en région
bruxelloise ne sont pas vraiment surprenants.
Le principal problème identifié par les Bruxellois
concerne le chômage (28,5%), loin devant les autres thématiques. Ce n’est pas une
surprise quand on le compare avec le taux de chômage dans la région (18,5%). Le
même processus est à l’œuvre en Wallonie où le chômage constitue le principal
problème. Etant donné le faible taux de chômage en Flandre (5,1%), il est
naturel que cette thématique n’atteigne pas la première place du podium dans
cette région. Au niveau individuel, le chômage bruxellois est un problème
particulièrement important parmi les ouvriers et les personnes isolées ou sans
enfants. A l’inverse, ce problème est beaucoup moins relevant pour les jeunes
(15-24 ans) et pour les étudiants, à l’inverse de leurs aînés.
En termes d’importance, le second problème à
Bruxelles concerne l’enseignement (16,5%). Bien que cette thématique puisse en
partie être liée à celle du chômage, l’enseignement ne représente qu’un peu
plus de la moitié de l’importance que revêt le chômage. Néanmoins, il s’agit
cette fois d’une priorité typiquement bruxelloise, puisque la moyenne nationale
sur l’enseignement se situe bien plus bas, aux alentours de 7,6%. Le problème de l’enseignement à Bruxelles
semble particulièrement préoccupant pour les femmes, les jeunes, les étudiants,
les personnes diplômées de l’enseignement supérieur et les membres de familles
nombreuses. A l’inverse, cet enjeu est peu important pour les ouvriers.
Enfin, la thématique de l’immigration n’arrive
qu’en troisième position à Bruxelles (15,4%) alors que c’est la région du pays
qui – proportionnellement – accueille le plus d’immigrés. Mais il est plausible
que les populations moins en contact avec les migrants soient celles qui les
voient le plus comme un problème pour leur région. L’immigration est ainsi le
principal problème en Flandre, le second en Wallonie et seulement en troisième
position à Bruxelles. Au niveau individuel, la question de l’immigration à
Bruxelles est particulièrement vue comme un problème pour les répondants plus
âgés (plus de 55 ans).
Tableau 1. Principaux
problèmes
Bruxelles
|
Flandre
|
Wallonie
|
Royaume
|
|
Chômage
|
28,5 %
|
20,3 %
|
28,7 %
|
23,9 %
|
Enseignement
|
16,5 %
|
5,7 %
|
7,9 %
|
7,6 %
|
Immigration
|
15,4 %
|
24,0 %
|
16,6 %
|
20,7 %
|
Economie
|
11,8 %
|
13,2 %
|
16,0 %
|
14,0 %
|
Environnement
|
9,7 %
|
7,3 %
|
7,7 %
|
7,7 %
|
Personnes et
entreprises quittant la région
|
6,5 %
|
11,5 %
|
12,7 %
|
11,3 %
|
Criminalité
|
6,1 %
|
8,3 %
|
4,4 %
|
6,9 %
|
Santé
|
3,2 %
|
8,7 %
|
3,9 %
|
6,6 %
|
Autre
|
2,3 %
|
0,9 %
|
2,0 %
|
1,4 %
|
Total
|
100,0
%
|
100,0
%
|
100,0
%
|
100,0
%
|
Des
miettes pour les autres problèmes à Bruxelles…
Ce podium représente plus de 60% des principaux
problèmes à Bruxelles. Loin derrière, nous retrouvons dans l’ordre l’économie
(11,8%), l’environnement (9,7%) et la thématique des personnes et entreprises
quittant la région (6,5%). Au niveau individuel, l’économie bruxelloise est
problématique pour les personnes âgées de plus de 55 ans et pour les ouvriers.
A l’inverse, elle n’est clairement pas relevante pour les personnes diplômées
de l’enseignement supérieur. En ce qui concerne l’environnement, il est considéré
comme un problème particulièrement important chez les jeunes et les étudiants.
L’enjeu des personnes et entreprises quittant la
région est, en comparaison, relevant dans les deux autres régions du pays,
probablement lié à la thématique des nombreux navetteurs qui vont travailler en
région bruxelloise. Enfin, on retrouve dans le bas du tableau bruxellois la
criminalité et la santé. Si ils sont également peu significatifs en Wallonie, ces
deux problèmes sont relativement plus importants en région flamande et
dépassent même celui de l’enseignement en termes relatifs.
Au demeurant, la liste de problèmes répertoriés
dans cette enquête n’est pas vraiment exhaustive puisqu’on pourrait sans
difficulté y ajouter des thématiques telles que la fiscalité, les politiques
sociales, voire les politiques européennes. Dans le cas de la région
bruxelloise, il est plus que probable que l’inclusion du logement et de la
mobilité dans la liste des problèmes principaux pour la région ne vienne
perturber le classement établi par cette enquête.
Conclusion
Les principaux problèmes auxquels la région
bruxelloise est confrontée concernent – sans surprise – des enjeux qui ont été
identifiés depuis longtemps par les acteurs politiques régionaux : chômage
(et économie), enseignement et immigration. En Flandre, l’opinion publique
régionale est sensiblement différente et permet de mieux comprendre les
résultats de partis politiques comme le Vlaams Belang par exemple. Il serait
néanmoins intéressant de comparer ces chiffres dans le temps avant de mieux
comprendre leurs évolutions, et de les comparer avec le contenu des programmes
électoraux rédigés pour les élections régionales de 2014.
Note
méthodologique
Etant donné que la question soumise aux répondants
portait sur les deux principaux problèmes auxquels la région est confrontée,
les résultats pour chaque catégorie de réponse ont été divisés par deux. La
catégorie de réponse « autre » concerne les autres enjeux mentionnés
spontanément par le répondant. Malheureusement, la base de données Eurostat ne
contient pas d’information sur le contenu de cette catégorie
« autre ». Les répondant souhaitant ne pas répondre à la question ou
répondant « je ne sais pas » ont été exclus des résultats. Le nombre
de ces répondants varie entre 2% et 3%, selon les régions. Les résultats pour
le Royaume ont été pondérés par le poids démographique de chaque région (basé
sur les chiffres de population par région au 1er janvier 2015 - http://statbel.fgov.be).