Régis Dandoy (@rdandoy)
Politologue à la FLACSO. Chercheur associé à l’ULB et l’UCL
Grégory Piet (@grgpiet)
Politologue à Université de Liège
Dans le cadre de la série de billets sur le contenu des programmes électoraux des partis francophones à Bruxelles lors des élections régionales de 2014 (voir les précédents billets sur les programmes du PS, du MR, du cdH, d'Ecolo et des FDF), nous analysons aujourd’hui le programme bruxellois de deux plus petits partis qui pourraient créer la surprise le 25 mai à Bruxelles étant donné leurs performances dans les récents sondages d’opinion, à savoir le PTB-go! et ProBruxsel. Qui plus est, les destinées électorales de ces deux partis sont liés puisqu’ils ont constitué un groupement de listes à Bruxelles, facilitant le franchissement du seuil légal de 5%. Les enjeux de la campagne électorale de ces deux partis sont identifiés grâce à une méthode d’analyse de texte basée sur des mots-clés (voir Note méthodologique). Ces thématiques sont regroupées en huit grands enjeux de la campagne régionale bruxelloise tels que répertoriés par Jean-Paul Nassaux (CRISP, 2014) et auxquels nous ajouterons les questions relatives aux institutions et à l’administration (incluant les questions communautaires).
Le programme 2014 du PTB-go! pour Bruxelles
Pour les élections simultanées de mai 2014, le PTB-go! a fait le choix de rédiger pas moins de quatre programmes électoraux : un programme commun pour toutes les élections (123 pages), un programme pour les élections européennes (12 pages), un programme pour la région wallonne (74 pages) ainsi qu’un programme pour la région bruxelloise avec le slogan « Bxl Social ! ». Par ailleurs, le lecteur intéressé par l’analyse du programme fédéral du PTB-Go! à l’aide de la même méthodologie pourra la trouver ici. En comparaison, le programme de PTB-go! pour Bruxelles consiste en un document de 64 pages. Sur base de notre encodage automatisé (voir Note méthodologique), pas moins de 2.665 mots-clés ont été identifiés, analysés et classés dans le programme 2014 du PTB-go!.
Les huit enjeux de la campagne bruxelloise identifiés par J-P Nassaux représentent à eux seuls plus de 40% du contenu du programme du PTB-go! en 2014. De plus, les thématiques relatives au domaine socio-économique représentent près d’un tiers de ce programme (32,05%). Ainsi, ce parti semble mettre en avant à la fois les enjeux bruxellois et les questions purement socio-économiques. Le podium des priorités du PTB-go! pour les élections régionales à Bruxelles est assez clair (voir Tableau 1). Sur la première marche du podium, nous retrouvons le logement et la politique locale (14,86%), suivis par les finances et l’économie (9,68%) et l’emploi (8,71%). Loin derrière ces trois enjeux clairement prioritaires pour le PTB-go!, nous retrouvons l’enseignement (4,54%). Les autres enjeux bruxellois sont moins importants, voire pratiquement absents du programme du PTB-go!, tels que le statut international de Bruxelles, la sécurité et la criminalité, la mobilité et l’immigration. Parmi les autres enjeux mis en avant par le parti de gauche radicale, nous retrouvons les questions institutionnelles et administratives, qui représentent 23,04% du contenu du programme bruxellois de ce parti. Viennent ensuite (non repris dans le Tableau) les affaires sociales (9,16%), la culture (5,33%), les entreprises et le commerce (4,28%), les droits et libertés (3,53%) et la santé (2,63%). Les autres thématiques (telles que l’environnement, l’énergie, l’agriculture ou encore la recherche scientifique) ne dépassent pas le seuil des 2% d’attention et ne constituent donc pas une réelle priorité programmatique pour ce parti.
Tableau 1. Priorités programmatiques de PTB-go! et ProBruxsel à Bruxelles (en %)
PTB-go!
|
ProBruxsel
|
|
Emploi
|
8,71
|
2,20
|
Logement et politique locale
|
14,86
|
8,05
|
Mobilité
|
0,49
|
9,39
|
Sécurité et criminalité
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1,13
|
0,48
|
Bruxelles international
|
1,58
|
3,35
|
Immigration
|
0,49
|
1,25
|
Finances et économie
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9,68
|
4,41
|
Enseignement
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4,54
|
8,33
|
Sous-Total
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41,48
|
37,46
|
Institutions et administration
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23,04
|
49,14
|
Le programme 2014 de ProBruxsel
Pour les élections simultanées de mai 2014, le parti régionaliste bruxellois ne se présente qu’aux élections régionales bruxelloises, contrairement à 2010 où le parti s’était également présenté aux élections fédérales. En comparaison avec les autres partis participant à ces élections, ce parti ne présente ainsi à l’électeur qu’une seule plate-forme programmatique. Le programme de ProBruxsel consiste en un document de 44 pages, sous la bannière « Ensemble Samen Together », ce qui constitue une claire évolution par rapport au programme pour les précédentes élections bruxelloises de 2009 (2 pages). Sur base de notre encodage automatisé (voir Note méthodologique), pas moins de 1.044 mots-clés ont été identifiés, analysés et classés dans le programme 2014 de ProBruxsel (contre seulement 150 mots-clés encodés sur base du programme bruxellois en 2009).
Le podium des priorités de ProBruxsel pour les élections régionales à Bruxelles est également assez clair (voir Tableau 1) puisque trois enjeux se détachent clairement des autres. Sur la première marche du podium, nous retrouvons la mobilité (9,39%) suivie par l’enseignement (8,33%) et le logement et la politique locale (8,05%). Loin derrière ces trois enjeux prioritaires pour ProBruxsel, nous retrouvons les finances et l’économie (4,41%) et le statut international de Bruxelles (3,35%). Plus surprenant, ce parti ne consacre que 2,2% du contenu de son programme à l’emploi. Enfin les enjeux de l’immigration, et de la sécurité et de la criminalité sont pratiquement absents du programme de ce parti.
Parmi les autres enjeux mis en avant par le parti régionaliste bruxellois, nous retrouvons les questions institutionnelles et administratives, qui représentent 49,14%, à savoir près de la moitié du contenu total du document. Cette priorité concerne bien évidemment les questions communautaires mais également la suppression des communautés, l’autonomie constitutive pour Bruxelles et les relations entre les communes et la région. Viennent ensuite (non repris dans le Tableau) les affaires sociales (4,02%), la culture (2,87%) et les entreprises et le commerce (2,49%). Les autres thématiques (telles que la santé, l’environnement, l’énergie, l’agriculture ou encore la recherche scientifique) ne passent pas le seuil des 2% d’attention et ne constituent donc pas une réelle priorité programmatique pour ce parti.
Note méthodologique
Cette analyse des programmes électoraux repose sur un logiciel d’analyse de textes, de discours et d’arguments, nommé Prospéro (Chateauraynaud, 2003 ; voir, par exemple, le carnet de recherche du GSPR, développeur de Prospéro Lien ainsi que le site dédié au logiciel Prospéro Lien). La méthode consiste en la création de 21 répertoires thématiques reprenant l’ensemble des enjeux et politiques publiques identifiables au sein des programmes, sur base du travail préalablement effectué par Baumgartner et Jones (Lien). Ces 21 répertoires sont constitués de 16.582 mots et expressions permettant d’identifier et de coder automatiquement les parties d’un texte liées à l’emploi, au logement, à la mobilité, à l’économie, à la politique étrangère, etc. Cet encodage automatique permet ainsi de mesurer les préférences et les priorités des partis politiques au sein de leur programme électoral. Pour une analyse en profondeur d’un enjeu politique et une explication détaillée de la manière de constituer les répertoires de mots et d’expressions, voir Piet (2013).
Pour aller plus loin
Nassaux Jean-Paul, “Les enjeux des élections de 2014 pour Bruxelles », Les @nalyses du CRISP en ligne, janvier 2014. Lien
Piet Grégory, « La politique climatique en Belgique », Carnet de Recherche Socio-informatique et argumentation, avril 2013. Lien