mercredi 21 mai 2014

Le programme électoral bruxellois d’Ecolo


Régis Dandoy (@rdandoy)
Politologue à la FLACSO. Chercheur associé à l’ULB et l’UCL

Grégory Piet (@grgpiet)
Politologue à Université de Liège


Dans le cadre de la série de billets sur le contenu des programmes électoraux des partis francophones à Bruxelles lors des élections régionales de 2014 (voir les précédents billets sur les programmes électoraux du PS, du MR et du cdH), nous analysons aujourd’hui le programme bruxellois d’Ecolo. Les enjeux de la campagne électorale du parti écologiste francophone sont identifiés grâce à une méthode d’analyse de texte basée sur des mots-clés (voir Note méthodologique). Ces thématiques sont regroupées en huit grands enjeux de la campagne régionale bruxelloise tels que répertoriés par Jean-Paul Nassaux (CRISP, 2014) et auxquels nous ajouterons les questions relatives aux institutions et à l’administration (incluant les questions communautaires).

Pour les élections simultanées de mai 2014, Ecolo fait le choix de rédiger trois programmes électoraux : deux programmes communs pour les élections européennes, fédérales et régionales (celui concernant les propositions phares – 65 pages – et celui concernant l’ensemble de son programme – 810 pages), ainsi qu’un programme spécifique pour les élections à Bruxelles et rédigé par sa Régionale de Bruxelles. Ce billet se penchera sur ce programme spécifique pour les élections régionales à Bruxelles et le comparera avec le programme rédigé lors des précédentes élections régionales en 2009. Le lecteur intéressé par l’analyse du programme commun du Ecolo avec la même méthodologie pourra la trouver ici


Le contenu du programme 2014 pour Bruxelles

Le programme d’Ecolo pour Bruxelles consiste en un document de seulement 13 pages, ce qui constitue une diminution significative par rapport au programme pour les précédentes élections bruxelloises de 2009 (179 pages). Cela se justifie par la présence d’un programme complet de 810 pages et du contexte électoral très différent (trois élections simultanées en 2014 contre seulement deux en 2009). Sur base de notre encodage automatisé (voir Note méthodologique), seuls 188 mots-clés ont été identifiés, analysés et classés dans le programme 2014 d’Ecolo (contre 4.590 mots-clés encodés sur base du programme bruxellois en 2009). Cette différence en termes de longueur et de nombre mots-clés identifiés a potentiellement un impact sur le contenu du programme d’Ecolo en 2014 lorsqu’on le compare à celui de 2009.

Le podium des priorités d’Ecolo pour les élections régionales à Bruxelles est sans équivoque (voir Tableau 1). Sur la première marche du podium, nous retrouvons le logement et la politique locale (17,02%) suivi, de loin, par la mobilité (11,17%) et les finances et l’économie (7,98%). Avec plus de 7% d’attention, nous retrouvons également le statut international de Bruxelles. Par ailleurs, Ecolo consacre 6,38% du contenu de son programme à l’enseignement et 4,26% à l’emploi. Enfin, l’enjeu de la sécurité et de la criminalité (1,06%) est pratiquement absent du programme de ce parti, tout comme l’immigration, bien qu’une de ses propositions concerne la lutte contre le racisme et la discrimination. Parmi les autres enjeux, les questions institutionnelles et administratives représentent 18,09% du contenu du programme bruxellois d’Ecolo. Viennent ensuite (non repris dans le Tableau) l’environnement (5,32%), la culture (4,79%), les affaires sociales (4,26%), les entreprises et le commerce, ainsi que les droits et libertés (3,72%) et enfin l’énergie (2,13%). Les autres thématiques (telles que la santé, l’agriculture ou encore la recherche scientifique) sont en revanche pratiquement absentes de ce programme.

Tableau 1. Priorités programmatiques d’Ecolo à Bruxelles (en %)

2009
2014
Différence
Emploi
3,57
4,26
+0,69
Logement et politique locale
9,72
17,02
+7,30
Mobilité
8,78
11,17
+2,39
Sécurité et criminalité
0,57
1,06
+0,49
Bruxelles international
3,12
7,45
+4,33
Immigration
0,65
0,00
-0,65
Finances et économie
6,01
7,98
+1,97
Enseignement
3,14
6,38
+3,24
Sous-Total
35,56
55,32
+19,76




Institutions et administration
20,48
18,09
-2,39


Comparaison des programmes électoraux bruxellois d’Ecolo (2009-2014)

En termes d’évolution par rapport au programme de 2009 (pour plus d’infos sur ce programme, voir ici), les changements sont plus que conséquents. Les huit enjeux de la campagne bruxelloise identifiés par J-P Nassaux représentent à eux seuls plus de 55% du contenu du programme d’Ecolo en 2014, contre seulement 35,56% en 2009. A l’inverse, les thématiques relatives au domaine socio-économique représentent près d’un cinquième de ce programme (20,74%) alors qu’elles représentaient 23,57% en 2009. Ainsi, Ecolo semble réduire son attention aux questions purement socio-économiques pour se focaliser sur quelques enjeux bruxellois cruciaux tels que le logement et la politique locale, la mobilité ou encore les finances et l’économie.

Au niveau des enjeux individuels, les changements sont également remarquables. Presque tous les enjeux de la campagne spécifiques à Bruxelles (Tableau 1) se voient mis en avant en 2014 par rapport à 2009. Ainsi, nous retrouvons dans ce groupe de thématiques le logement et la politique locale (+7,30%), l’enseignement (+3,24%) et la mobilité (+2,39%). D’un autre côté, et mis à part l’immigration, aucun enjeux bruxellois ne voit son importance significativement réduite par rapport à 2009. Parmi les autres thématiques de la campagne (non repris dans le Tableau 1), nombreuses sont les catégories thématiques qui font les frais de cette campagne concentrée sur quelques thématiques spécifiques à Bruxelles. Il s’agit principalement des entreprises et du commerce (-3,75%), de la santé (-3,37%), de – et c’est plus surprenant – l’environnement (-3,16%), de la politique énergétique (-2,60%), de la culture (-1,49%) et des affaires sociales (-1,37%).


Note méthodologique

Cette analyse des programmes électoraux repose sur un logiciel d’analyse de textes, de discours et d’arguments, nommé Prospéro (Chateauraynaud, 2003 ; voir, par exemple, le carnet de recherche du GSPR, développeur de Prospéro - Lien - ainsi que le site dédié au logiciel Prospéro - Lien). La méthode consiste en la création de 21 répertoires thématiques reprenant l’ensemble des enjeux et politiques publiques identifiables au sein des programmes, sur base du travail préalablement effectué par Baumgartner et Jones (Lien). Ces 21 répertoires sont constitués de 16.582 mots et expressions permettant d’identifier et de coder automatiquement les parties d’un texte liées à l’emploi, au logement, à la mobilité, à l’économie, à la politique étrangère, etc. Cet encodage automatique permet ainsi de mesurer les préférences et les priorités des partis politiques au sein de leur programme électoral. Pour une analyse en profondeur d’un enjeu politique et une explication détaillée de la manière de constituer les répertoires de mots et d’expressions, voir Piet (2013).

Pour aller plus loin

Nassaux Jean-Paul, “Les enjeux des élections de 2014 pour Bruxelles », Les @nalyses du CRISP en ligne, janvier 2014. Lien

Piet Grégory, « La politique climatique en Belgique », Carnet de Recherche Socio-informatique et argumentation, avril 2013. Lien