samedi 10 mai 2014

Le programme électoral du MR pour Bruxelles


Régis Dandoy (@rdandoy)
Politologue à la FLACSO. Chercheur associé à l’ULB et l’UCL

Grégory Piet (@grgpiet)
Politologue à Université de Liège


Dans le cadre de la série de billets sur le contenu des programmes électoraux des partis francophones à Bruxelles lors des élections régionales de 2014 (voir le précédent billet sur le PS – Lien), nous analysons aujourd’hui le programme bruxellois du MR. Les enjeux de la campagne électorale libérale sont identifiés grâce à une méthode d’analyse de texte basée sur des mots-clés (voir Note méthodologique). Ces thématiques sont regroupées en huit grands enjeux de la campagne régionale bruxelloise tels que répertoriés par Jean-Paul Nassaux (CRISP, 2014) et auxquels nous ajouterons les questions relatives aux institutions et à l’administration (incluant les questions communautaires).

Pour les élections simultanées de mai 2014, le MR fait le choix de rédiger pas moins de six programmes électoraux dont deux concernent plus spécifiquement l’électeur bruxellois : un programme commun pour les élections européennes, fédérales et régionales bruxelloises et un programme spécifique pour les élections régionales bruxelloises, intitulé «BXL enfin capitale». Ce billet se penchera brièvement sur le programme commun du MR pour Bruxelles avant d’étudier, dans un deuxième temps, le programme spécifique pour les élections régionales à Bruxelles et de le comparer avec le programme rédigé lors des précédentes élections régionales en 2009.

Un programme commun pour les Bruxellois

Dans sa forme, le programme commun du MR pour Bruxelles – à savoir le programme Europe-fédéral-Bruxelles – est assez court (77 pages) et se distingue du programme général du parti qui atteint les 565 pages. Le lecteur souhaitant comparer ces deux programmes est renvoyé au billet sur le blog « Elections fédérales, régionales et européennes en Belgique » - Lien). Par ailleurs, le programme commun pour la Wallonie – à savoir le Europe-fédéral-Wallonie – fait également 77 pages. Pour l’analyse de ce programme commun pour Bruxelles, pas moins de 1.543 mots-clés et expressions ont été encodés. 

Les priorités du MR dans ce programme commun à l’attention des Bruxellois sont assez marquées. Les finances et l’économie sont mises en avant (12,7%), suivies par les relations internationales (12,64%) et l’emploi (9,72%), ce qui n’est pas surprenant étant donné l’importance de ces domaines de compétences pour ces trois niveaux de pouvoir (Europe, fédéral, régional). L’enseignement, la sécurité et la criminalité et la mobilité sont également des thématiques présentes dans ce programme commun du MR. A l’inverse, les questions institutionnelles et administratives n’y sont que peu discutées, en comparaison des programmes précédents de ce parti. Parmi les autres enjeux discutés dans ce programme électoral commun pour Bruxelles (non repris dans le tableau), nous retrouvons les affaires sociales (8,68%), les entreprises et le commerce (7,06%) et, dans une moindre mesure, la santé (3,82%) et la culture (3,05%).

Tableau 1. Priorités programmatiques du MR (en %)

Europe Fédéral Bruxelles
Emploi
9,72
Logement et politique locale
2,98
Mobilité
4,54
Sécurité et criminalité
6,68
Relations internationales
12,64
Immigration
1,10
Finances et économie
12,70
Enseignement
7,97
Sous-Total
58,33


Institutions et administration
8,04


Un programme spécifiquement bruxellois en pleine évolution

Le programme du MR pour Bruxelles consiste en un document de pas moins de 70 pages, ce qui constitue une significative diminution par rapport au programme pour les précédentes élections bruxelloises (106 pages). La longueur d’un programme électoral a un impact sur l’analyse de son contenu. Sur base de notre encodage automatisé (voir Note méthodologique), 3.436 mots-clés ont été identifiés, analysés et classés dans le programme 2014 (contre 4.795 mots-clés encodés sur base du programme bruxellois du MR en 2009). Cette différence en termes de longueur et de nombre mots-clés identifiés a potentiellement un impact sur le contenu du programme du MR en 2014.

Mis à part sa longueur plus courte, le programme 2014 du MR ressemble à première vue à celui de 2009 pour les mêmes élections à Bruxelles. Les enjeux de la campagne bruxelloise identifiés par J-P Nassaux représentent un peu plus de 40% du contenu du programme du MR pour ces deux élections (42,85% en 2009 contre 42,49% en 2014). Qui plus est, les thématiques relatives au domaine socio-économique représentent un quart de ces programmes (25,84% en 2009 contre 25,67% en 2014). Mais cette apparente stabilité cache un renouvellement important des priorités programmatiques du MR pour sa campagne bruxelloise en 2014.

Ainsi, l’analyse de l’importance des enjeux spécifiques de la campagne sur base de plus de 16.000 mots-clés et expressions, nous permet de mieux comprendre cette évolution. Sur le podium des priorités du MR en 2014 à Bruxelles, nous retrouvons en première position les questions de mobilité, avec 11,73%. En deuxième et troisième positions, nous observons le logement et la politique locale (11,06%), suivis – de loin – par les finances et l’économie (6,52%). Ce podium 2014 est fortement différent de celui observé en 2009. A l’époque, le MR bruxellois mettait l’accent en premier lieu sur les finances et l’économie, suivis par le logement et la politique locale et, enfin, la mobilité.

Mis à part les questions administratives et institutionnelles (28,37%), les autres enjeux de la campagne bruxelloise sont moins prioritaires dans le programme 2014 du MR. Ainsi, l’emploi ne correspond qu’à 3,87% de l’ensemble du programme, suivi par le statut international de Bruxelles (3,23%), la sécurité et la criminalité (2,91%) et l’enseignement (2,76%). La thématique de l’immigration est presque absente de la plate-forme programmatique du MR à Bruxelles. Parmi les autres thématiques (non reprises dans le tableau), seuls trois domaines de politiques publiques tirent leur épingle du jeu : le commerce et les entreprises (8,99%), la culture (5,62%) et les politiques sociales (5,09%). Toutes les autres thématiques occupent moins de 3% du programme libéral à Bruxelles

En termes d’évolution par rapport au programme de 2009 (pour plus d’infos sur ce programme, voir ici), les changements sont considérables. Parmi les enjeux qui sont mis en avant par rapport aux dernières élections régionales, nous retrouvons la mobilité (+4,47%), le commerce et les entreprises (+4,34%) et le logement et la politique locale (+2,03%). A l’inverse, le MR a décidé de réduire la part prise par certaines thématiques dans son programme bruxellois : les finances et l’économie (-2,55%), la santé (1,95%), les droits et libertés (-1,90%), l’enseignement (-1,43%) et les politiques sociales (-1,33%). Les autres enjeux de la campagne restent relativement stables dans le temps. 

Tableau 2. Priorités programmatiques du MR à Bruxelles (en %)

2009
2014
Différence
Emploi
4,98
3,87
-1,11
Logement et politique locale
9,03
11,06
+2,03
Mobilité
7,26
11,73
+4,47
Sécurité et criminalité
2,67
2,91
+0,24
Bruxelles international
4,36
3,23
-1,13
Immigration
1,29
0,41
-0,88
Finances et économie
9,07
6,52
-2,55
Enseignement
4,19
2,76
-1,43
Sous-Total
42,85
42,49
-0,36




Institutions et administration
29,26
28,67
-0,59


Note méthodologique

Cette analyse des programmes électoraux repose sur un logiciel d’analyse de textes, de discours et d’arguments, nommé Prospéro (Chateauraynaud, 2003 ; voir, par exemple, le carnet de recherche du GSPR, développeur de Prospéro Lien ainsi que le site dédié au logiciel Prospéro ). La méthode consiste en la création de 21 répertoires thématiques reprenant l’ensemble des enjeux et politiques publiques identifiables au sein des programmes, sur base du travail préalablement effectué par Baumgartner et Jones (Lien). Ces 21 répertoires sont constitués de 16.582 mots et expressions permettant d’identifier et de coder automatiquement les parties d’un texte liées à l’emploi, au logement, à la mobilité, à l’économie, à la politique étrangère, etc. Cet encodage automatique permet ainsi de mesurer les préférences et les priorités des partis politiques au sein de leur programme électoral. Pour une analyse en profondeur d’un enjeu politique et une explication détaillée de la manière de constituer les répertoires de mots et d’expressions, voir Piet (2013).

Pour aller plus loin

Nassaux Jean-Paul, “Les enjeux des élections de 2014 pour Bruxelles », Les @nalyses du CRISP en ligne, janvier 2014. Lien

Piet Grégory, « La politique climatique en Belgique », Carnet de Recherche Socio-informatique et argumentation, avril 2013. Lien