mardi 30 août 2016

Vote des Belges à l’étranger: simulation des résultats pour les élections régionales bruxelloises

Dr. Régis Dandoy (@rdandoy)
Politologue à l’UCL

Ce billet se penche sur les conséquences de l’extension de vote des Belges à l’étranger pour les élections régionales. Après un premier billet sur le panorama des partis qui gagnent et perdent des voix lorsque les Belges à l’étranger sont autorisés à voter (voir ici), ce billet analyse les conséquences du vote des Belges à l’étranger en ce qui concerne les résultats au niveau des assemblées régionales et de la répartition des sièges au sein de celles-ci. Les résultats pour les élections fédérales et régionales de 2014 en région bruxelloise seront pris comme cas d’étude, étant donné l’importance de cette région pour le système politique belge et la présence conjointe de partis flamands et francophones.

Lors des élections simultanées du 25 mai 2014, les Belges résidant à l’étranger avaient droit à un seul vote (pour les élections fédérales) alors que les Belges résidant à Bruxelles disposaient de trois ou quatre votes (pour les élections fédérales, régionales bruxelloises et Européennes, ainsi que les élections régionales flamandes pour les électeurs flamands). Imaginons un instant que les Belges résidant à l’étranger aient obtenu le droit de vote lors des élections régionales pour la région de Bruxelles-Capitale en 2014. Cette simulation pour 2014 sur base des résultats aux élections fédérales va nous permettre d’évaluer les conséquences possibles de l’extension vote des Belges à l’étranger pour les élections régionales telle que souhaitée par le gouvernement fédéral dans son avant-projet de loi spéciale (voir ici).

En 2014, pas moins de 462.061 votes valables ont été exprimés dans les 19 communes bruxelloises pour les élections fédérales, contre 462.696 votes valables exprimés pour les élections régionales bruxelloises dans les mêmes communes. Les résultats de ces deux élections peuvent donc être valablement comparés. La question à se poser est celle de l’impact potentiel des Belges résidant à l’étranger sur les élections régionales bruxelloises. Les quelques 13.630 votes valables émis dans un poste diplomatique ou consulaire ou par correspondance auraient-ils pu avoir un impact sur les rapports de force entre partis et sur la répartition des sièges au sein du parlement régional bruxellois en 2014 ? Les votes des Belges résidant à l’étranger tels qu’exprimés lors des élections fédérales pour la circonscription de Bruxelles seront donc additionnés aux votes comptabilisés pour les Belges vivant à Bruxelles lors des élections régionales.

L’exercice est néanmoins délicat pour deux raisons. Tout d’abord, l’offre en termes de partis n’est pas identique entre les deux élections. Si cette remarque ne concerne aucun grand parti à l’exception de Groen (en alliance avec Ecolo pour les fédérales et seul pour les régionales – pour le calcul de son score auprès des Belges résidant à l’étranger, voir la note méthodologique ci-dessous), certains petits partis ont préféré présenter une liste aux régionales plutôt qu’aux fédérales (par exemple Vega, ProBruxsel ou encore Pirate). Seuls trois petits partis MG, Agora Erasmus et LaLutte-DeStrijd) ont présenté une liste aux fédérales sans son pendant aux régionales. Ensuite, les électeurs bruxellois ont émis un vote sensiblement différent entre les élections fédérales et régionales. Certains partis (comme le PS et le MR) obtiennent plus de votes lors des élections fédérales, tandis que d’autres (comme le FDF et le cdH) obtiennent plus de votes lors des élections régionales. Cette simulation ne prend donc pas en compte les éventuels votes différenciés chez les Belges résidant à l’étranger.

L’effet de l’extension du droit de vote des Belges résidant à l’étranger pour les élections régionales bruxelloises est au demeurant relativement faible (voir Tableau 1 et 2). La hiérarchie observée lors de ces élections s’en trouve respectée, aussi bien du côté francophone que du côté flamand. Le PS et l’Open Vld sont les partis les plus plébiscités, suivis respectivement par le MR et le FDF (actuellement DéFI) et par le sp.a et Groen. Comme analysé dans un billet précédent (voir ici), les principaux partis ‘gagnants’ du vote des Belges résidant à l’étranger sont les partis libéraux (MR et Open Vld), les partis écologistes (Ecolo et Groen) et le Vlaams Belang. Les partis qui ont le plus à perdre d’une extension du droit de vote des Belges résidant à l’étranger pour les élections du parlement régional bruxellois sont les partis socialistes (PS et sp.a), le cdH et le PTB. Ce vote n’a enfin que peu d’influence sur le score du CD&V et de la N-VA.

Tableau 1. Simulation des résultats électoraux pour les élections régionales bruxelloises (partis francophones, 2014)
Partis
Résultats à Bruxelles
Sièges
Résultats à Bruxelles
+ Simulation Etranger
Différence
Sièges
PS
26,59%
21
26,52%
-0,07%
21
MR
23,04%
18
23,41%
0,38%
19
FDF
14,80%
12
14,65%
-0,15%
11
cdH
11,74%
9
11,60%
-0,14%
9
Ecolo
10,11%
8
10,24%
0,13%
8
PTB
3,86%
4
3,79%
-0,07%
4

Tableau 2. Simulation des résultats électoraux pour les élections régionales bruxelloises (partis flamands, 2014)
Partis
Résultats à Bruxelles
Sièges
Résultats à Bruxelles
+ Simulation Etranger
Différence
Sièges
Open Vld
26,70%
5
26,88%
0,18%
5
sp.a
19,57%
3
19,16%
-0,41%
3
Groen
17,89%
3
18,02%
0,13%
3
N-VA
17,00%
3
17,04%
0,04%
3
CD&V
11,43%
2
11,42%
-0,01%
2
VB
5,60%
1
5,73%
0,13%
1
Source : Résultats électoraux officiels, SPF Intérieur http://elections2014.belgium.be/fr/

Si la hiérarchie entre les partis en région bruxelloise n’est pas chamboulée par un hypothétique vote des Belges résidant à l’étranger, il n’en est pas de même en ce qui concerne la répartition des sièges entre partis. Selon cette simulation, le vote des Belges résidant à l’étranger ne changerait pas grand du côté flamand, la répartition des sièges entre partis restant inchangée. Du côté francophone, les choses sont différentes puisque ces votes provenant de l’étranger profiteraient au MR au détriment du FDF (actuellement DéFI). Le parti libéral francophone obtiendrait un siège supplémentaire au sein du parlement régional bruxellois (19 dans cette simulation contre 18 lors des élections de 2014), tandis que le parti régionaliste francophone perdrait un siège (11 contre 12).

En conclusion, si le vote des Belges résidant à l’étranger ne se limite qu’à 13.630 votes valables sur près d’un demi-million d’électeurs bruxellois, les effets d’une l’extension du vote des Belges à l’étranger pour les élections régionales affecterait non seulement la popularité de ces partis politiques (certains partis bénéficieraient de ce vote tandis que d’autres verraient leur poids relatif se réduire) mais également la répartition des sièges dans certaines assemblées régionales. Un changement marginal du nombre et de la qualité des électeurs peut potentiellement avoir un impact sur la répartition des sièges, particulièrement dans les circonscriptions où – comme en région bruxelloise – un grand nombre de sièges est à répartir. Remarquons néanmoins que cette nouvelle répartition des sièges n’affecterait pas la composition du gouvernement régional bruxellois puisque la coalition PS-DéFI-cdH obtiendrait toujours plus que la moitié des sièges du côté francophone (41 sièges sur un total de 72 selon cette simulation).


Pour citer ce billet : Dandoy Régis, « Vote des Belges à l’étranger : simulation des résultats pour les élections régionales bruxelloises », Blog - Elections, made in Brussels, 30 aout 2016
URL : http://electionsbxl.blogspot.be/2016/08/vote-des-belges-letranger-simulation.html


Note méthodologique

Les votes pour Ecolo et Groen chez les Belges résidant à l’étranger ont été calculé comme suit : les 2135 voix obtenus par la liste Ecolo (sur laquelle se présentaient des candidats Groen) lors des élections fédérales dans la circonscription de Bruxelles ont été répartis de manière proportionnelle aux votes obtenus par ces deux partis lors des élections régionales bruxelloises. Par conséquent, Ecolo se voit attribuer 1734 voix provenant de Belges résidant à l’étranger tandis que son parti-frère flamand reçoit 401 voix.

Pour rappel, la répartition des sièges s’effectue entre l’ensemble des groupements de listes de candidats, ce qui implique que la prise en compte d’un groupement de listes reprenant le PTB, Pirate, ProBruxsel, Rassemblement R et BUB. Les 4 sièges obtenus par ce groupement de listes sont tous alloués à la liste PTB. Les quatre autres listes ne s’étant pas présentées aux élections fédérales (circonscription de Bruxelles), cette simulation ne leur attribue aucun vote additionnel provenant des Belges résidant à l’étranger.